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Un testament royal contesté : la mort et la succession de Jean Ier de Castille (1390)

Jean-Pierre Jardin

Résumés

La mort inattendue de Jean Ier, en 1390, provoque une grave crise de pouvoir en Castille, dont les symptômes les plus apparents sont les réticences que les collaborateurs du roi défunt, sa famille et le reste de la noblesse castillane expriment à l’idée de mettre en œuvre les dispositions successorales prévues dans le testament du souverain, et les conflits qui s’ensuivent. Cet épisode tragi-comique de l’histoire castillane ne trouvera sa solution que lorsque tous les camps en présence, y compris les élites urbaines, seront assurés de tirer quelque profit de l’application de ces dispositions.

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Notes de l’auteur

Cet article reprend le texte d’une communication présentée au cours du colloque « Entre ciel et terre : conceptions et représentations de la mort et de son dépassement dans le monde hispanique », co-organisé par le CRIMIC, le SEMH-Sorbonne et le SIREM, qui s’est tenu les 6, 7 et 8 juin 2007 à l’université Paris 13 et à la Maison de la recherche de l’université Paris-Sorbonne. Comme tel, il a fait l’objet d’une première publication dans le volume d’actes de ce colloque (Daniel LECLER et Patricia ROCHWERT-ZUILI (coord.), Entre ciel et terre. La mort et son dépassement dans le monde hispanique, Paris : Indigo & côté-femmes éditions, 2008, p. 113-142). Malheureusement, dans ce volume, une manipulation dont l’auteur n’est aucunement responsable a fait disparaître la totalité des trente-deux notes et des appels correspondants. C’est pourquoi nous proposons ici de nouveau le texte intégral de ce travail, notes comprises, en priant les lecteurs de bien vouloir le considérer dorénavant comme la version de référence, à l’exclusion de toute autre.

Texte intégral

1Lorsque le roi Jean Ier de Castille meurt d’une chute de cheval, le dimanche 9 octobre 1390, son royaume sort à peine d’une grave crise politique, conséquence de l’usurpation du trône par le père du souverain, Henri II Trastamare, en 1369, au prix d’une longue guerre civile où sont intervenues les deux grandes puissances de l’époque, l’Angleterre et la France, et de l’assassinat du roi légitime –par ailleurs demi-frère de l’usurpateur-, Pierre Ier le Cruel, ainsi que de l’ambition excessive de Jean Ier lui-même, qui avait cru pouvoir mettre la main sans coup férir sur le trône portugais en 1383. Cette situation explique certainement pourquoi le plus proche collaborateur du monarque, l’archevêque de Tolède Pedro Tenorio, a dans un premier temps caché la mort du roi, dont il fait transporter le corps dans une tente dressée à la hâte en affirmant qu’il n’est que grièvement blessé ; elle explique sans doute aussi en partie pourquoi, une fois connue la mort du roi, sa succession a été organisée comme s’il était mort intestat, alors que Jean Ier avait rédigé quelques années plus tôt un testament en bonne et due forme, ce que l’archevêque savait d’autant mieux qu’il avait été l’un de ceux qui avaient contresigné le document. Ce sont les raisons de cette tentative d’étouffement des dernières volontés royales, qui provoquera une nouvelle crise politique dans les années de régence qui vont suivre la mort du souverain, qui font l’objet de cette communication.

Le contexte castillan des années 1380-1390

  • 1  Le roi Ferdinand Ier a en effet eu cette fille de Leonor Telles, qu’il a « enlevée » à son mari lé (...)

2Nous ne remonterons pas dans l’analyse de la crise politique dont souffre la Castille à l’époque de Jean Ier au-delà de l’accession au trône de ce souverain, même si cela nous obligera à prendre en compte les conséquences d’actes bien antérieurs à celle-ci. Lorsque le roi succède à son père Henri II, en effet, le pouvoir castillan est contesté de toutes parts, et s’il n’y avait l’alliance française pour l’appuyer –cette alliance que le premier souverain Trastamare, sur son lit de mort, recommande à son fils de maintenir coûte que coûte-, nous pourrions considérer la Castille comme totalement isolée en Europe. Elle est en tous les cas entourée d’adversaires déclarés ou potentiels : les rois Charles II de Navarre, Pierre IV d’Aragon et Ferdinand Ier de Portugal sont tous, pour des raisons diverses, des ennemis de la nouvelle dynastie, dont ils contestent –non sans raison, même si leurs motifs ne sont pas tous honorables- la légitimité, appuyés par le roi d’Angleterre, Édouard III, dont deux fils ont épousé des filles de Pierre Ier. Jean Ier aura la chance de voir disparaître progressivement ces voisins dangereux, dont les successeurs auront une politique très différente (Charles III de Navarre, par exemple, épouse une sœur de Jean Ier, union qui sera certes la cause de divers tiraillements entre les deux royaumes, notamment lorsque la reine de Navarre viendra se réfugier auprès de son frère en accusant son mari de vouloir l’empoisonner, mais que l’on peut cependant considérer comme un facteur d’apaisement des tensions entre les deux royaumes ; Jean Ier, quant à lui, épouse en premières noces une fille de Pierre IV d’Aragon). Dans un premier temps, seul le Portugal maintiendra une politique agressive envers la Castille, qui adopte à son endroit la même attitude. Cependant, en 1382, Jean Ier et Ferdinand Ier parviennent à un accord : le souverain castillan, veuf de fraîche date, épouse la fille – plus ou moins illégitime1 – du Portugais, Béatrice, et l’accord prévoit que le premier fils né de cette union deviendra roi du Portugal à la mort de son grand-père ; Jean Ier ayant de son premier mariage trois enfants dont deux fils (les futurs Henri III de Castille et Ferdinand Ier d’Aragon), les deux signataires de l’accord y trouvent leur intérêt : Jean Ier parce qu’il peut espérer que ses descendants règneront aussi au Portugal, Ferdinand et ses sujets parce qu’ils sont assurés qu’un même homme ne sera pas à la fois roi de Castille et du Portugal, ce dernier conservant son indépendance. Malheureusement, les choses ne vont pas se passer ainsi.

3En 1383, le roi Ferdinand Ier disparaît alors que Jean Ier et sa femme n’ont pas eu d’enfants. À la demande de sa belle-mère, le souverain, qui se considère roi consort du Portugal, se rend à Santarem, où il reçoit de la reine veuve la régence du royaume ; les Portugais, très inquiets, appellent un frère bâtard de Ferdinand, lui aussi appelé Jean et grand maître de l’ordre d’Avis, pour faire barrage au Castillan. La situation s’envenime rapidement, une première défaite castillane est suivie du siège de Lisbonne, qui est un échec cinglant du fait, notamment, de l’épidémie de peste qui se déclare chez les assiégeants. Les cortès portugaises proclament roi le maître d’Avis et une armée franco-castillane franchit la frontière pour ramener à la raison les Portugais appuyés par des troupes anglo-gasconnes. L’expédition tourne au désastre pour les Castillans et leurs alliés, et se conclut par la défaite sanglante d’Aljubarrota, en 1385, qui voit la mort de maint noble chevalier de France ou de Castille, la prison de nombreux autres –dont le chroniqueur Pero López de Ayala- et la fuite déshonorante de Jean Ier. Ce désastre, traumatisme dont les Castillans mettront un siècle à se remettre, est suivi d’un début d’invasion du royaume par les Portugais, au sud, et par les Anglais, au nord. Jean Ier se voit contraint de négocier et de signer avec le duc de Lancastre un traité de paix en 1387, le traité de Troncoso, qui prévoit entre autres l’envoi d’otages castillans en Angleterre, et surtout l’union de l’héritier du trône castillan, Henri, et de Catherine, fille du duc de Lancastre et petite-fille, par sa mère, du roi Pierre Ier ; cette union est ratifiée en 1388 par les cortès de Palencia. Avec le Portugal, une trêve de six ans est signée en novembre 1389 seulement. Ce n’est qu’à ce moment que l’on peut considérer comme close la longue crise née de l’usurpation de 1369, et que la Castille peut envisager son avenir sous des couleurs moins sombres. Et c’est l’année suivante que Jean Ier meurt accidentellement, à trente-deux ans, laissant un héritier mineur âgé de onze ans à peine.

L’organisation de la régence

4Dans le cas d’une minorité royale, le droit castillan prévoit très clairement deux cas : ou bien le souverain précédent a laissé un testament ou, pour le moins, des dernières volontés qui permettent d’organiser la régence, et l’on doit les respecter, ou bien il n’a pas prévu sa disparition prématurée, et c’est le texte des Partidas d’Alphonse X qui devient texte de référence. Dans ce code de lois qui n’a été reconnu comme référence ultime du droit en Castille que sous le règne d’Alphonse XI en 1348, le roi Savant a défini la procédure à suivre dans la nomination des régents :

  • 2 Segunda Partida, Gregorio LÓPEZ (éd.), Salamanque : Andrea de Portonariis, 1555, titre XV, loi III, (...)

[…] los sabios antiguos de España que cataron todas las cosas muy lealmente e las sopieron guardar, por toller todos estos males que auemos dicho, establecieron que quando fincasse el rey niño, si el padre dexado ouiesse omes señalados que lo guardassen, mandandolo por carta o por palabra, que aquellos ouiessen guarda del e los del reyno fuessen tenudos de los obedescer en la manera que el rey lo ouiesse mandado. Mas si el rey finado desto non ouiesse fecho mandamiento ninguno, estonce deuen se ayuntar alli do el rey fuere todos los mayorales del reyno, assi como los perlados e los ricos omes e los otros omes buenos e honrrados de las villas. E desque fueren ayuntados, deuen iurar todos sobre santos Euangelios que caten primeramente seruicio de Dios e honrra e guarda del señor que han e pro comunal de la tierra del reyno. E segund esto, escojan tales omes en cuyo poder lo metan que le guarden bien e lealmente e que ayan en si ocho cosas. La primera, que teman a Dios. La segunda, que amen al rey. La tercera, que vengan de buen linaje. La quarta, que sean sus naturales. La quinta, sus vassallos. La sexta, que sean de buen seso. La septima, que ayan buena fama. La octaua, que sean tales que non cobdicien heredar lo suyo, cuydando que han derecho en ello despues de su muerte, e estos guardadores deuen ser vno o tres o cinco, por que si alguna vegada desacuerdo ouiesse entre ellos, aquello en que la mayor parte se acordasse fuesse valedero. [...] E que lo [el reyno] tengan en paz e en justicia fasta que el rey sea de edad de veynte anos, e si fuere fija la que ouiere de heredar, fasta que sea casada. [...] Pero si aueniesse que al rey niño fincasse madre, ella ha de ser el primero e el mayoral guardador sobre los otros [...]. E ellos deuen la obedescer como a señora e fazer su mandamiento en todas las cosas que fueren a pro del rey e del reyno. Mas esta guarda deue auer en quanto non casasse e quisiesse estar con el niño2.

5C’est très précisément cette procédure qui va être suivie par l’archevêque de Tolède et par les autres collaborateurs proches du souverain après sa mort : les grands du royaume, les prélats et les procureurs des villes sont convoqués à Madrid, « pour discuter de la forme de gouvernement du royaume » au sein d’une assemblée qui n’est pas explicitement présentée comme des cortès dans les chroniques, peut-être par respect du texte de loi alphonsin. Avant de se prononcer sur le sujet qui les réunit, les collaborateurs du roi défunt règlent une question urgente, celle du mariage de l’infant Ferdinand (dix ans à l’époque) avec sa cousine Aliénor d’Alburquerque, nièce d’Henri II convoitée par le duc de Benavente – lui-même fils de ce dernier souverain. La question était d’autant plus complexe que le traité signé avec le duc de Lancastre prévoyait que l’infant Ferdinand devait épouser Catherine dans le cas où son frère Henri mourrait avant l’âge de quatorze ans, rendant impossible la consommation de cette union entre descendants des deux frères ennemis de 1369. Aussi, si la jeune Aliénor, âgée de seize ans, engage sa foi en 1390, il est précisé que la promesse de mariage de l’infant ne deviendra effective que si son frère atteint l’âge de quatorze ans : c’est un pari sur l’avenir dont doit se contenter la future mariée. Cette affaire réglée, l’archevêque de Tolède passe à la question essentielle, l’organisation de la régence. Selon la chronique de Pero López de Ayala, notre seule source d’informations sur cette période, Pedro Tenorio n’a aucun souvenir d’un quelconque testament royal, et c’est précisément à notre chroniqueur, qui est aussi le grand chancelier du royaume, qu’il s’adresse pour savoir ce qu’il en est. Heureusement, Pero López a une mémoire à toute épreuve :

  • 3  Pero LÓPEZ DE AYALA, Crónica del rey don Enrique, tercero de Castilla e de León, in :Id., Crónicas(...)

E Pero López le respondió que él sabía bien que el rey don Juan en el año que iba a Portugal, quando fuera a la pelea en la qual el rey fue desbaratado, ficiera un testamento estando en el regno de Portogal, sobre un logar que tomara, que dicen Cellorico de la Vera, e que en el dicho testamento pusieron sus nombres e sus sellos ciertos caballeros, de los quales el dicho Pero López era uno que pusiera su nombre e su sello en el dicho testamento por mandamiento del rey, e que sabía bien cómo el rey enviara al arzobispo de Toledo el dicho testamento estonce dende aquel logar de Cellorico con un escudero e un escribano de la su cámara3.

  • 4  « E estonce el arzobispo de Toledo acordóse desto que Pero López de Ayala decía, e dixo que era ve (...)
  • 5  Murielle GAUDE-FERRAGU, D’or et de cendres. La mort et les funérailles des princes dans le royaume (...)

6Voilà donc l’archevêque ramené à ses propres souvenirs, et à sa responsabilité. On peut être surpris du ton assez sec de la réponse du grand chancelier à la demande de Tenorio ; mais il faut tenir compte d’une information que notre chroniqueur s’efforce de gommer dans son récit au nom de l’objectivité de l’historien, à laquelle il aspire : Ayala et Tenorio militent en fait dans deux camps opposés, le premier nommé soutenant ouvertement l’archevêque de Saint-Jacques de Compostelle, un Manrique, ennemi personnel de son homologue de Tolède. De ce fait, ce n’est pas seulement pour défendre son honneur « professionnel » que Pero López se montre aussi tranchant, même si la demande de l’archevêque pouvait laisser sous-entendre que le grand chancelier avait failli aux devoirs de sa tâche en ne produisant pas immédiatement le testament du roi. En tout cas, cette réponse a un effet immédiat sur l’archevêque, dont la mémoire se ranime : Jean Ier avait en effet fait rédiger un testament à l’occasion de son départ pour la campagne contre le Portugal qui devait se terminer si tragiquement, et Tenorio avait fait partie de ceux qui avaient contresigné le document4. La pratique consistant à rédiger son testament lors d’un départ en expédition est courante, en Castille comme dans les autres royaumes, chez les nobles, les princes et les rois5. Le testament peut être nuncupatif, s’il est simplement ratifié par des témoins (sept, en France comme dans le texte des Partidas, nombre réduit à trois dans les ordonnances d’Alcalá de 1348), ou public, s’il est dicté à un notaire ou à un prêtre –toujours en la présence obligatoire des témoins. En l’occurrence, le testament de Jean Ier, tel que Pero López le reproduit dans sa chronique (et tel que l’on pourra le lire à la suite de ce texte) est un document solennel, où certes n’apparaît pas le nom d’un quelconque notaire royal, mais que le souverain authentifie par l’apposition de son sceau du secret (sello de la poridad), et qui est signé par sept témoins, conformément aux règles du droit. Don Pedro Tenorio ne pouvait pas avoir oublié ce document, dans la mesure où la partie religieuse du testament, qui correspond à la première moitié du texte, est entièrement centrée sur la ville de Tolède, et plus encore si l’on tient compte du fait que l’archevêque figure parmi les exécuteurs testamentaires.

7Voici donc établie sans contestation possible l’existence d’un testament du roi défunt, même si tous ignorent où il se trouve. Pourtant, le rétablissement de cette vérité ne change rien à l’attitude de l’archevêque de Tolède et des autres participants à l’assemblée, qui écartent d’un revers de main ce document gênant : ce testament, vieux de près de six ans, est caduc. Nombre des volontés du souverain renvoient à une situation qui n’est plus celle de la Castille ; ceci est particulièrement vrai de la liste des tuteurs auxquels avait pensé le roi, qui inclut des personnages dont Jean Ier, à la fin de sa vie, n’aurait en aucun cas voulu pour veiller sur son fils. On notera tout de même que ces affirmations sont faites alors même que le testament n’a pas été retrouvé, et que l’archevêque, qui ne se souvenait même plus de son existence, fait à présent confiance à sa mémoire et s’appuie sur certaines déclarations de Jean Ier dans les mois ou les années précédents pour écarter le document. Toujours est-il qu’il préfère se reporter aux Partidas, et à la loi déjà citée dont la chronique de Pero López conserve un résumé exact. Mais cette loi elle-même ne satisfait pas les Castillans, qui n’ont pas oublié les excès auxquels se sont livrés les tuteurs d’Alphonse XI lors de la minorité de ce roi, entre 1312 et 1325. La solution qui leur paraît la meilleure provient d’un modèle étranger de grand prestige à la cour de Castille, le modèle français : un conseil de régence comparable à celui qui s’est mis en place pendant la minorité de Charles VI leur paraît bien supérieur au système que les Partidas prétendent mettre en place, et qui revient à jouer sur des individualités souvent opposées. Peut-être Ayala lui-même, depuis longtemps en relation avec la cour de France, est-il l’un de ceux qui défendent les vertus d’un tel conseil. Pour être tout à fait juste, il convient de souligner qu’un conseil destiné à aider les tuteurs du jeune roi avait déjà été envisagé à l’époque d’Alphonse XI, même si les différents partis en présence n’étaient pas parvenus à se mettre d’accord sur sa composition, et que le testament de Jean Ier envisageait également un tel conseil, constitué d’un nombre limité d’« hombres buenos » de différentes villes de Castille :

[...] e demás tenemos por bien que estén con ellos algunos cibdadanos de estas cibdades que se siguen: conviene a saber, de la cibdad de Burgos un ome bueno, e de Toledo otro, e de León otro, e de Sevilla otro, e de Córdoba otro, e de Murcia otro, los quales seis cibdadanos mandamos e ordenamos que estén siempre con los dichos tutores e regidores en todos sus consejos, en tal manera que los dichos tutores e regidores non puedan facer nin ordenar cosa alguna del estado del regno sin consejo e voluntad de los dichos cibdadanos,

et consacrait un large espace à la façon dont devaient être sélectionnés ces conseillers, à leurs droits et leurs devoirs et à leur rétribution. Mais, rappelons-le, les participants à l’assemblée de Madrid n’ont pas ce texte sous les yeux. Au bout du compte, c’est bien un conseil de régence qui sera mis en place au début de l’année 1391, mettant fin à la période d’incertitude politique qu’a connue la Castille pendant quelques semaines. Mais, auparavant, un événement nouveau est survenu : le testament du roi a été retrouvé ! Cette découverte a-t-elle modifié en quoi que ce soit les décisions de l’assemblée de Madrid ? La consultation de la chronique de Pero López de Ayala permet d’en douter.

Un testament qui s’impose difficilement

  • 6  Sur ce projet pour le moins surprenant de Jean Ier et sur la réponse négative que lui opposent les (...)

8Dans les dernières semaines de 1390, quelques-uns des participants à l’assemblée de Madrid décident de mettre fin à l’incertitude existant quant à la conservation du testament du roi défunt. L’origine de cette démarche n’est d’ailleurs pas la recherche du testament en lui-même, mais celle de quelque document écrit venant à l’appui de déclarations du souverain prononcées à l’occasion des cortès de Guadalajara, au début 1390, à un moment où le roi envisageait d’abandonner le trône castillan à son fils pour mieux se consacrer à la conquête de celui du Portugal6 :

  • 7  P. LÓPEZ DE AYALA, Crónica del rey don Enrique..., année 1390, ch. IV, p. 705-706.

E fueron un día a la cámara del rey el duque de Benavente, e el conde don Pedro, e los arzobispos de Toledo e de Santiago, e los maestres de Santiago e Calatrava, e Pero López de Ayala, e ficieron venir a Juan Martínez del Castillo, chanciller del sello de la poridad, e a Rui López Dávalos, camarero del rey, que tenía las arcas del rey don Juan después que finara e le diera las llaves de ellas el arzobispo de Toledo para que las guardase7.

9C’est au cours de l’examen attentif de tous les documents conservés dans ces coffres qu’est retrouvé le testament du roi, celui dont avait parlé Pero López de Ayala lorsqu’il avait été interrogé sur le sujet. On pourrait donc s’attendre à ce que ce testament prenne le pas sur tout autre document, mais le moins que l’on puisse dire est qu’il n’en est rien. Le lecteur est surpris par le mépris dans lequel est tenue cette expression de la volonté royale, et par la désinvolture apparente avec laquelle est traité le document, qui manque de peu d’être détruit :

  • 8 Ibid., p. 706.

E desque le fallaron, los más de los que allí estaban non se contentaron con el testamento, por quanto después que fuera fecho oviera el rey don Juan ordenado e mudado su voluntad en otra manera. Pero comenzáronle a leer, e después que le leyeron dixeron que aquel testamento non valía nin era provechoso, pues era contra la voluntad del rey don Juan, segund que los más que allí estaban lo sabían, e que lanzasen el dicho testamento en un fuego que estaba en la dicha cámara en una chimenea, e era la cámara do posaba el obispo de Cuenca en el alcázar del rey, el qual obispo criaba al rey, e el que leía el testamento non lo quiso facer, e puso el testamento sobre una cama que ay estaba. E los señores que y eran, desque ovieron visto todas las escripturas de las arcas, levantáronse dende para se ir, non curando del dicho testamento8.

10Tous sauf un... l’archevêque Tenorio, qui prend soin de récupérer le testament et de le garder par devers lui, sous le prétexte – accepté par tous les présents – que la partie « religieuse » du testament, quant à elle, n’était pas caduque, et qu’elle concernait son diocèse. Comme tous les testaments de son époque, en effet, celui de Jean Ier comprend deux grandes parties sensiblement égales : une première partie dans laquelle le souverain exprime ses inquiétudes religieuses et ses dernières volontés en la matière (organisation de ses obsèques, messes anniversaires…), et une seconde partie « civile » qui est celle que les Castillans considèrent comme caduque, dans laquelle le roi se prononçait sur un certains nombres de problèmes restés en suspens au moment de la rédaction de son testament (rébellion du comte de Trastamare), et sur l’avenir de son royaume et de sa famille (donations de villes et de provinces à sa femme et à ses deux fils, constitution de la maison de chacun de ces deux derniers).

  • 9  « E el arzobispo de Toledo, con voluntad de los otros que allí estaban, tomó el testamento e levól (...)

11La façon dont l’archevêque de Tolède s’empare du testament et les commentaires désabusés qui accompagnent cette prise de possession9 laissent supposer au lecteur de la chronique d’Ayala que ce document, décidément, n’a plus aucune valeur politique. Or il n’en est rien, et Tenorio a d’ores et déjà compris que le testament est une arme qui peut accorder à celui qui la possède un surcroît de légitimité face à ses adversaires. Pendant les mois, et même les années, qui vont suivre, l’archevêque ne manquera pas une occasion de brandir les dernières volontés du souverain à la face de tous ceux qui s’efforcent de les oublier et qui, dans un premier temps, ont indiscutablement pris le dessus. Sur ce point, quelles que soient les opinions d’Ayala et ses prises de position à l’époque évoquée, la chronique ne laisse aucun doute : si l’assemblée de Madrid prend définitivement parti pour un conseil de régence et ignore délibérément les instructions du testament, c’est d’abord parce que certains des participants parmi les plus puissants –notamment les parents du roi, ces « épigones Trastamares » qui voulaient leur part du pouvoir- se rendent compte que leur nom n’est pas cité dans le document royal :

  • 10  Ibid., année 1391, ch. I, p. 707.

[...] algunos de los grandes, así como el duque de Benavente e el conde don Pedro, tenían que si el regimiento fuese segund el testamento que el rey don Juan dexara, que ellos non avrían parte, pues non eran en él nombrados10.

12Le texte de la chronique fait clairement apparaître que ces « grands » ne sont pas non plus favorables à un conseil, où ils perdront une partie de leur pouvoir, et que c’est la solution proposée par les Partidas qui emporte leur assentiment. Mais c’est au bout du compte le parti de l’archevêque de Saint-Jacques, qui regroupe « certains chevaliers » (dont fait certainement partie notre chroniqueur) et les procureurs des villes, qui impose sa volonté, malgré les réticences du duc de Benavente, du comte de Trastamare et de l’archevêque de Tolède, qui commence à jouer seul sa partition. À partir de cet instant, la chronique de Pero López de Ayala fait état de tentatives répétées de Pedro Tenorio pour imposer les dernières volontés du souverain telles qu’elles figurent dans son testament à des adversaires réticents. Le chroniqueur met en évidence dans son texte l’existence d’une véritable stratégie du prélat visant, au bout du compte, à faire reconnaître la validité du testament : ainsi, dans un premier temps, l’archevêque refuse de prêter serment au conseil de régence au nom de la fidélité au texte des Partidas, qui n’a pas été respecté en l’occurrence, mais Pero López ajoute ce commentaire :

  • 11  Ibid., ch. III, p. 710-711.

E esta respuesta envió el arzobispo de Toledo a los del consejo sobre la manera del regimiento ; e en esta respuesta el arzobispo de Toledo non quería facer mención del testamento del rey don Juan que él tenía, segund dicho avemos, por quanto entendía que aún non era tiempo para ello11.

13Cette première tentative de résistance se solde par un échec, et l’archevêque se voit contraint de prêter serment, sous peine de mettre sa vie en péril, et quoi qu’il lui en coûte :

  • 12 Loc. cit.

E aún decía el arzobispo después, que uno de los procuradores del regno le dixera en secreto que fuese cierto que si non ficiese jura de tener la vía del consejo, que estaba su persona en grand peligro […] e fizo jura de tener e guardar la vía del consejo, segund era ordenado ; pero decía que a él le parescía mejor la otra manera si a ellos ploguiese de lo facer12.

  • 13  « […] él publicaría muy aína el dicho testamento. E enviábales a todos el traslado del testamento, (...)

14Quelques mois plus tard, Pedro Tenorio franchit un pas supplémentaire: fuyant Madrid, il se réfugie à Alcalá de Henares et de là envoie une série de lettres enjoignant à tous la désobéissance au conseil de régence, au nom du testament du souverain défunt qu’il a en son pouvoir, qu’il se propose de « publier » prochainement, et dont il joint copie à chacune de ses lettres13. C’est là une entreprise de grande ampleur, d’autant plus que l’archevêque ne se contente pas d’une « propagande » interne en s’adressant aux tuteurs désignés dans le testament pour les mettre en garde contre le non-respect des volontés du roi et à toutes les cités et les villes de Castille, mais adresse également ce courrier aux souverains des royaumes voisins et des alliés de la Castille (Aragon, France), ainsi qu’« au pape et aux cardinaux ». Les termes utilisés par Tenorio, du moins tels que les rapporte Ayala, ne laissent aucun doute quant aux sentiments de l’archevêque vis-à-vis du conseil de régence et le placent clairement en position de rébellion déclarée :

  • 14 Loc. cit., p. 714-715.

E desque partió el arzobispo de Madrid luego dixo que aquel consejo que era ordenado en Madrid para el regimiento del regno era ninguno e de ningund valor e que non podía ser fecho nin valía de derecho por quanto parescía el testamento que el rey don Juan ficiera, en el qual ordenara el regimiento de su fijo el rey que agora regnaba, e le tenía él e le quería mostrar. [...] enviaba decir que aquella ordenanza que los que estaban en Madrid ficieran en manera de consejo era ninguna e de ningund valor14.

  • 15  « e como él tenía el testamento que el rey don Juan dexara, el qual avían jurado en la villa de Gu (...)

15Plusieurs choses sont à noter à ce stade de l’analyse: 1) le testament du roi apparaît clairement comme une source de légitimité que l’on peut opposer à un pouvoir qui, lui aussi, s’est efforcé de s’assurer d’une légitimité indiscutable, notamment par le biais du serment exigé des « forces vives » du royaume ; 2) le texte d’Ayala donne à penser que la validité du testament est lié au fait qu’il est conforme aux volontés exprimées oralement par le souverain lors des cortès de Guadalajara, et votées par les procureurs présents à ces dernières15 ; 3) enfin, il est évident que les sentiments de l’archevêque de Tolède vis-à-vis du document en sa possession ont varié au cours des mois, et qu’il y a dans sa défense de la légitimité du testament une large part d’opportunisme. Notons enfin que le ton utilisé par le chroniqueur tend à faire de Tenorio, malgré tous les efforts de ce dernier, une « voix qui crie dans le désert ». Seules les inévitables dissensions au sein du conseil vont, dans un premier temps, lui assurer des alliés (le marquis de Villena et le duc de Benavente), et obliger ledit conseil à composer avec lui et à répondre point par point à ses accusations. La chronique d’Ayala, une fois encore, est une source précieuse pour la connaissance de la procédure suivie.

16Dans le courant de l’année 1391, deux hommes, un chevalier (noble, selon la chronique, mais que l’on peut aussi considérer, compte tenu de ses origines, comme représentant les élites urbaines, évidemment favorables au conseil de régence dans lequel elles peuvent jouer un rôle actif) et un docteur, c’est-à-dire un juriste garant du droit, furent députés par les régents auprès de l’archevêque, porteurs de lettres de créance du roi et du conseil et d’un mémorandum répondant à ses différentes objections. Ayala nous précise à la fin du chapitre qu’il consacre à cette démarche le nom des deux protagonistes, Ferrand Sánchez de Virués, chevalier de la ville de Ségovie, et Gonzalo Martínez de Bonilla. Les formules juridiques qui émaillent le chapitre donnent à penser que le chroniqueur recopie assez fidèlement un document écrit, probablement le mémorandum dont il fait état. Dans celui-ci, il est fait reproche à Tenorio d’être celui par qui le scandale arrive, et de participer activement aux troubles du royaume en réunissant des troupes contre le conseil de régence ; il lui est aussi fait reproche, s’il était déjà en possession du testament royal lorsque a été discutée la forme que devait prendre la régence, de ne pas en avoir fait état ; il lui est rappelé qu’il a prêté serment au conseil de régence –sans pression aucune, malgré ses affirmations. En revanche, la validité du testament n’est pas vraiment remise en cause, si ce n’est à travers l’affirmation, difficile à prouver, que le roi, lorsqu’il fit jurer aux procureurs des villes réunis à Guadalajara qu’ils respecteraient son testament, n’avait pas en tête celui qu’il avait rédigé plusieurs années auparavant, mais un futur testament qu’il n’eut pas le temps de rédiger. Un argument essentiel, et qui donne une idée exacte des conflits de légitimité qui s’expriment dans cette affaire, est la primauté accordée par les députés du conseil à l’expression de la volonté générale du royaume telle qu’elle pourra s’exprimer au cours de futures cortès :

  • 16 Ibid., ch. IX, p. 719-720.

Pero dexadas todas estas razones, le decían que este fecho atañía a todo el regno, e que a ellos placía que el regno fuese llamado e ayuntado e viese todas estas cosas e aquella ordenanza o testamento o ley o consejo que entendiesen los del regno que era derecho e razón e servicio del rey e provecho del regno, que a ellos placía de estar por ello. E si el regno quería que aquel testamento que el rey don Juan dexara valiese, así lo querían ellos. E si el regno quería que se guardase la ley de la partida, que uno, o tres, o cinco rigiesen el regno, así mismo les placía. E si el regno quería regirse por consejo e que fuese en menor número e de menos poderío que era a ellos otorgado, que a ellos placía16.

  • 17 Ibid., ch. XIV, p. 730.

17Bien entendu, cette démarche du conseil ne modifie pas d’un iota la position de l’archevêque, qui prend prétexte de l’existence de ses alliés pour justifier son refus de céder (« Quien a compaña, non a señor ») et la situation demeure bloquée, avec pour la Castille la menace d’une guerre civile. Aussi le conseil profite-t-il de la présence du légat du pape pour envoyer auprès de Pedro Tenorio une nouvelle ambassade, composée cette fois d’un officier royal de haut rang, Pero Suárez de Quiñones, adelantado mayor de León, un procureur du royaume, Garci Alfonso de Sant Fagund, et un juge royal, docteur en droit, Antón Sánchez de Salamanca, accompagnée du légat lui-même. Mais ni l’onctuosité épiscopale du légat ni la rudesse guerrière de l’adelantado ne feront reculer l’archevêque, arc-bouté sur un juridisme obstiné : « […] le parescía que non podría en ninguna guisa facer contra el testamento o contra la ley de la partida »17. Que le pseudo-conseil commence par démissionner, et Tenorio acceptera de s’en remettre à la décision de cortès réunies pour l’occasion ; aucune autre solution n’est admissible. Et la situation de la Castille de continuer à s’envenimer, de nouveaux alliés s’unissant à l’archevêque de Tolède, et notamment les tuteurs désignés dans le testament, dont on se rappelle que Tenorio avait pris soin de les informer de la charge que le roi avait décidé de leur confier. À deux reprises encore, les membres du conseil de régence s’efforcent de trouver un accord avec leur adversaire, lui envoyant d’abord le comte Pedro de Trastamare – membre de la famille royale – et le grand maître de Saint-Jacques, puis Juan de Velasco et Pero de Villegas, qui passent pour ses amis. Rien n’y fait :

  • 18 Ibid., ch. XIX, p. 738.

[…] la respuesta del arzobispo fue que él avía tomado voz por el testamento del rey don Juan, pues era fallado, e tenía que todos debían estar por él, e que debía ser cesado luego el consejo, tomando la vía del testamento18.

  • 19  « Cómo por razón del testamento se ficieron en el regno dos vandos » (ibid., titre du ch. XXIII, p (...)
  • 20 Ibid., ch. XXVI, p. 747-748.

18Au terme de l’année 1391, et pour reprendre le titre de l’un des chapitres de la chronique de Pero López de Ayala, « à cause du testament deux partis se constituèrent dans le royaume »19. Les troubles se multiplient, dans chaque ville du royaume on assassine ou on exile les membres du parti le plus faible, on s’approprie les revenus de la couronne et les impôts, et l’anarchie s’installe. Les troupes de l’archevêque et de ses alliés, en particulier le duc de Benavente, s’approchent dangereusement de la cour ; les ambassades se multiplient : au légat du pape et aux procureurs de certaines villes du royaume, dont Burgos qui s’offre généreusement à être le siège des cortès qui trancheront le conflit, vient s’ajouter la reine de Navarre – qui agit en l’occasion comme chef du lignage des Trastamare soucieuse de préserver l’héritage de son père Henri II –. De timides négociations s’établissent sous l’égide de la souveraine, qui permettent à l’archevêque de Saint-Jacques de mettre celui de Tolède devant ses contradictions – c’est du moins ce qu’affirme Ayala, dont il faut rappeler qu’il appartient au camp dirigé par le premier nommé – ; selon le chroniqueur, en effet, Tenorio avait en fait renoncé à sa défense acharnée du testament de Jean Ier pour s’assurer l’alliance du duc de Benavente, qui n’y trouvait pas son intérêt. En lui demandant de se prononcer clairement en faveur du document qu’il avait si largement diffusé quelques mois auparavant, l’archevêque de Saint-Jacques l’aurait pris à son propre piège20.

19Ces négociations aboutissent néanmoins à un compromis apparemment acceptable par tous : seront proposés à des cortès devant se réunir à Burgos, comme candidats à la régence, les six « tuteurs » cités dans le testament de Jean Ier, et trois autres hauts personnages que le souverain n’avait pas retenus mais qu’il est devenu impossible d’éloigner du pouvoir : le grand maître de l’ordre de Saint-Jacques, le connétable Pedro de Trastamare et le duc de Benavente (deux « épigones Trastamares » particulièrement actifs et dangereux).

20L’affaire pourrait donc s’arrêter là ; malheureusement, il n’en est rien, car les deux « partis » continuent à agir en sous-main pour saper l’équilibre apparent obtenu avec ce compromis : les membres du conseil royal (l’ancien conseil de régence) s’empressent ainsi de faire libérer le comte Alfonso de Norueña, autre « épigone » trastamare emprisonné pour rébellion, et de le proposer comme dixième gouverneur de Castille, pour contrebalancer l’influence du comte de Trastamare et du duc de Benavente. Ceux-ci, et la reine de Navarre, conscients du renversement d’alliance que leur proche parent se prépare à accomplir, protestent énergiquement contre une libération qu’ils avaient pourtant réclamée avec véhémence quelques mois plus tôt et refusent d’accepter ce « dixième homme ». De plus, l’archevêque de Tolède conteste maintenant le testament de Jean Ier, affirmant que trois des tuteurs désignés par celui-ci (le grand maître de Calatrava, qui est cistercien, l’archevêque de Saint-Jacques et lui-même) ne peuvent pas assurer cette tâche, car ce sont des ecclésiastiques, et qu’il convient donc de nommer à leur place d’autres tuteurs. À ceux qui s’étonnent de ce revirement, Tenorio donne une explication assez peu convaincante, même si elle se veut fondée en droit :

  • 21 Ibid., ch. XXX, p. 753.

E el arzobispo dixo que era verdad que él tomara esta entención del dicho testamento, e así lo publicara e predicara, e que aún agora esto mismo facía e decía: e por tanto declaraba en ello que el testamento del rey don Juan fuese guardado e tenido con derecho e justicia; e que esto decía por quanto algunos que el rey don Juan dexara por tutores en el testamento non lo podían ser de derecho...21

21Face à ce nouveau blocage, les deux camps décident de s’en remettre à deux légistes considérés comme les meilleurs de Castille, Álvar Martínez de Villareal et Gonzalo González, évêque de Ségovie. Bien qu’ils aient fait serment de juger sans parti-pris, on ne s’étonnera pas de constater qu’ils arrivent à des conclusions diamétralement opposées : Gonzalo González, choisi par Tenorio, s’appuie sur la loi (celle des Partidas) pour affirmer que des ecclésiastiques ne peuvent pas assurer une quelconque tutelle ; Villareal, choisi par la reine de Navarre et le conseil, affirme que la loi ne s’applique pas en l’occurrence, car ces trois tuteurs ont été choisis par le roi, qui est au-dessus des lois. Notons que López de Ayala, malgré son appartenance à l’autre camp, reconnaît dans sa chronique que les juristes de la cour considéraient comme plus juste la position de Gonzalo González,

  • 22  Ibid., p. 754-755.

[...] ca fallaban que clérigo nin monje non podían servir tutoría, salvo de alguna persona miserable; [...] empero tutoría dada e dejada por testamento, o por derecho dada por juez, non la podían rescebir, segund mostraban por sus libros e derechos22.

22Au début 1392, selon le témoignage de la chronique, on envisage de ce fait une nouvelle structure de gouvernement résolument éloignée de toutes les tentatives précédentes : deux évêques, quatre nobles (« caballeros ») et les six conseillers issus du monde urbain désignés par Jean Ier prendraient en charge l’administration de la Castille sans qu’aucun des nobles de haut rang ou des prélats qui se disputent le pouvoir puissent intervenir dans celle-ci. Cette solution emporte l’assentiment de beaucoup, mais pas celle du duc de Benavente, du comte de Trastamare et de l’archevêque de Tolède, pas plus d’ailleurs que celle de la reine de Navarre qui continue à œuvrer pour la mise en place de la régence à neuf tuteurs définie quelques mois auparavant, contre l’avis de l’autre camp, qui exige la présence parmi eux du comte de Norueña. Les procureurs des villes, pour sortir de cette situation, mettent en place une nouvelle procédure :

  • 23  Ibid., deuxième année (1392), ch. I, p. 755-756.

E los procuradores de las cibdades e villas del regno que estaban en Burgos, desque vieron estar las cosas en tal porfía, acordaron que se ficiese una arca con ciertas llaves, que toviesen algunos buenos omes en fieldad, e que cada procurador de cibdad o de villa del regno pusiese allí una cédula, en que pusiese quál era su entención, e de aquellas maneras de gobernación del regno qual parescía a él mejor; e desque todos oviesen puesto sus cédulas, levasen aquella arca al rey, e que la abriesen delante dél públicamente, e que valiese aquello a que los más viniesen concordados. E comenzaron de lo facer así23.

23Pendant ce temps, la reine de Navarre continue de travailler au corps ses frères et cousins, qui finissent par accepter que le comte de Norueña fasse partie des tuteurs. Puis les deux camps se mettent d’accord pour un partage du pouvoir : des dix tuteurs, quatre exerceraient leur tâche pendant les six premiers mois de l’année, quatre autres les six derniers –les deux tuteurs restant (le marquis de Villena et le comte de Niebla) n’ont pas pris part aux débats, et on en déduit qu’ils ne sont pas intéressés par cette charge. Il ne s’agit pas de donner tout pouvoir à chacun des deux camps six mois par an, bien au contraire : à chaque fois, deux tuteurs d’un camp « cohabitent » avec deux de leurs adversaires – les conseillers des villes jouant leur rôle indépendamment de cette alternance. Il est établi cependant que l’un des deux camps domine l’autre à chaque « tour ». Et c’est de là que naît un nouveau motif de tension, un nouveau conflit :

  • 24 Ibid., ch. II, p. 757.

Empero ovo y contrariedad : ca el duque de Benavente e el arzobispo de Toledo quisieran ser regidores del regno luego los primeros seis meses, e los de la otra partida querían lo propio; ca dubdaban los unos de los otros, que los primeros que tomasen los seis meses se apoderarían del rey e del regno, en tal manera que por aventura, los seis meses primeros complidos, non darían logar a los otros quando quisiesen venir a regir los otros seis meses que eran ordenados para ellos24.

24Et cela, il convient de le noter, alors même que tous s’accordent sur la personne des “gardiens” du roi, qui sont déjà à l’œuvre depuis octobre 1390 ! La reine de Navarre parvient pourtant à ses fins : les tuteurs se mettent d’accord sur l’ordre de leur alternance au pouvoir, au plus grand profit de l’archevêque de Tolède et du duc de Benavente, qui obtiennent le premier tour.

La résolution de la crise

  • 25  Il est le fils d’un conseiller royal mort au siège de Lisbonne, Juan Martínez de Rojas, qui fut al (...)
  • 26  Du moins est-ce ainsi, nous semble-t-il, que l’on peut entendre le texte de López de Ayala : « E e (...)

25La situation paraissait donc en voie de se débloquer, lorsque survient un événement qui va, dans un premier temps, aggraver encore la crise puis, de façon un peu paradoxale, accélérer son dénouement. Cet événement dont les causes demeurent mystérieuses, c’est l’assassinat à Burgos d’un membre d’une famille de la moyenne noblesse25, Día Sánchez de Rojas, partisan du comte Alfonso de Norueña, par deux hommes de la maison du duc de Benavente. Ayala présente la victime comme le premier mari d’Aliénor d’Alburquerque, future femme de l’infant Ferdinand ; les historiens actuels considèrent comme l’une des rares erreurs du chroniqueur cette affirmation réitérée, qui ne cadre pas, entre autres choses, avec la chronologie des faits. Quelques dizaines d’années plus tard, une tradition recueillie par Lope García de Salazar fera du même Día Sánchez le mari d’une sœur bâtarde – dont on ne trouve nulle trace dans les documents d’époque – de la Riche-femme. Les deux seuls faits indéniables sont donc que Día Sánchez est tombé victime des dissensions qui opposaient les divers membres de la famille royale, et que sa mort a été un véritable traumatisme à Burgos et a failli mettre un terme définitif aux discussions autour du testament de Jean Ier et de la régence. La mort de Diego de Rojas (dont la famille est nombreuse et puissante dans la région de Burgos) met la ville au bord de l’émeute : tous ceux qui possèdent une arme s’en saisissent, en particulier les nobles et les chevaliers. Par chance, les choses n’iront pas plus loin ; bien au contraire, dès le lendemain de la mort du malheureux, peut-être sous l’action d’une crainte salutaire, voire sous celle d’une hostilité croissante envers des « grands » dont les actes sont de plus en plus violents et de moins en moins honorables26, les procureurs des villes décident de trancher dans le vif :

  • 27  Ibid., p. 758-759.

Después que Día Sánchez de Rojas fue muerto, luego a otro día domingo, todos los procuradores del regno que eran en Burgos tornaron a un acuerdo de tener por el testamento del rey don Juan, que se guardase llanamente, sin ser añadido ninguno más por regidor e tutor [...] más que los del testamento. E todos los dichos procuradores pusieron sus cédulas en el arca que avemos dicho, e dixeron que su voluntad era que el testamento del rey don Juan fuese guardado segund estaba. E algunos procuradores que avían puesto lo contrario de esto tiraron las cédulas primeras del arca, e pusieron otras, en las quales se contenía que tenían por el testamento simplemente, non añadiendo otro alguno. [...] E non ovo ninguno que contra esta opinión fuese; e tomaron los procuradores del regno el arca con estas cédulas, e fuéronse para el castillo do estaba el rey, e presentáronle el arca do estaban las dichas cédulas, e abriéronla, e fallaron que todos querían estar por el dicho testamento del rey don Juan, segund lo él mandara, sin añadir otros algunos. E luego el rey mandó que se guardase así; e de allí adelante fue guardado el testamento que el rey don Juan dejara, sin añadir otro alguno, segund los procuradores decían27.

26On peut trouver curieux que ce soit ainsi le mineur concerné qui ait le dernier mot concernant sa propre tutelle, mais la logique de la royauté le voulait ainsi ; toujours est-il que la décision royale met un terme à toute velléité d’opposition. Le duc de Benavente, principal perdant, se retire sur ses terres. L’archevêque de Tolède négocie avec ses adversaires d’hier : il accepte le testament y compris dans la désignation d’ecclésiastiques comme tuteurs, mais exige qu’on lui accorde le droit de parler au nom du marquis de Villena et du comte de Niebla, absents, mais réputés ses partisans (c’est lui qui l’affirme !), et exige également de percevoir la moitié des revenus de la couronne pour en disposer à sa convenance. Enfin, il obtient que lui soient remboursés tous les frais qu’il a engagés dans la défense du testament royal.

  • 28 Ibid., ch. V, p. 760.

E todo esto le fue otorgado e firmado al dicho arzobispo por los de la otra partida : e esto fecho, consintió que la ordenanza del testamento se toviese, e que los non contradiría. E dende aquel día en adelante fincó asosegado que se guardase el testamento del rey don Juan28.

27C’est seulement alors que la “publication” solennelle du testament put enfin avoir lieu, dans le cadre des cortès de Burgos :

  • 29 Ibid., ch. VIII, p. 786.

E así se fizo, e aquel día de las cortes fue por todos los señores e caballeros e procuradores del regno ordenado e acordado que todo el regno se gobernase por el testamento del rey don Juan29.

Conclusion

28L’adoption du testament de Jean Ier ne règle pas tous les problèmes de la Castille, et la minorité d’Henri III connaîtra encore bien des soubresauts dans les deux années qui suivront, jusqu’à ce que le souverain, de guerre lasse, s’empare du pouvoir deux mois avant sa majorité. Sans doute l’attitude des tuteurs y est-elle pour quelque chose :

  • 30  Ibid., p. 787.

[…] lo que en el testamento del rey don Juan era contenido non se guardó segund lo él puso e ordenó, ca en muchas cosas se fizo el contrario : e esto decían que facían por contentar las gentes, e por non poner escándalos en el regno30.

29Mais il faut aussi reconnaître que sur bien des points, comme l’affirmaient les adversaires de l’archevêque de Tolède, le document était caduc. Dans sa chronique, Pero López de Ayala fait suivre la reproduction in extenso du testament d’un chapitre entier consacré à tous les points pour lesquels la supposée « dernière volonté » du souverain défunt ne pouvait plus être suivie, dans la mesure où lui-même avait pris des décisions qui la contredisaient. En fait, toute la partie civile ou presque était caduque en 1391, qu’il s’agisse du règlement de certains conflits (rébellion du comte de Trastamare) ou des donations de villes ou de provinces ; on peut donc estimer que le choix des tuteurs était lui aussi frappé de caducité. Seules la mauvaise conscience de tous ceux qui avaient juré à Guadalajara de respecter les dernières volontés du roi sans vraiment savoir à quoi ils s’engageaient et, surtout, la combativité et la mauvaise foi de l’archevêque Tenorio, mises au service de ses ambitions politiques, ont pu conduire au respect du testament sur ce point.

30Au-delà de l’amusement que peut susciter la valse-hésitation que dansent tous ceux que gêne l’existence de ce document que nul ne peut ignorer – sauf à la faire disparaître quand il en est encore temps, mais nous avons vu que l’occasion a été manquée –, l’affaire présente un véritable intérêt pour l’étude des sources de légitimité du pouvoir à la fin du XIVe siècle : au pouvoir de fait de quelques princes et des membres de la haute noblesse, qui essaient de trouver leur légitimité dans l’assentiment général (le serment exigé par le conseil de régence) s’oppose celui des collaborateurs du roi défunt (Tenorio) qui ne peut tirer sa légitimité que de la volonté expresse de celui-ci ; enfin, un pouvoir s’affirme dans la situation de crise que connaît le royaume – comme cela avait d’ailleurs déjà été le cas lors de la minorité d’Alphonse XI –, celui des villes et des élites qui les gouvernent, qui sont celles qui, au bout du compte, l’emportent – provisoirement, car leur influence sera rognée par le pouvoir royal dès que celui-ci s’affirmera (réforme du conseil royal réduisant le nombre des représentants des villes). L’épisode met également en lumière le juridisme intransigeant qui prévaut à cette époque, et les procédures parfois encore hésitantes par lesquelles il s’exprime.

  • 31  Nous corrigeons dans notre traduction la formulation de cette phrase, qui nous semble fautive dans (...)
  • 32  Voir sur ce sujet Jean-Pierre JARDIN, « El rey, la muerte y el diablo. Estudio de un relato de apa (...)

31Enfin, en relation avec le thème de notre rencontre, il convient de souligner combien il est difficile à un souverain de faire respecter sa volonté après sa mort, ce qu’exprime sans doute la phrase prudente qui clôt le testament, et qui semble être un topique du genre : « Ceci est notre testament et notre dernière volonté, et nous mandons et ordonnons que s’il ne peut valoir comme testament, il vaille comme codicille, ou s’il ne peut valoir comme codicille, qu’il vaille ce que notre dernière volonté peut et doit valoir de droit »31. Certes, le règne de Jean Ier ne favorisait pas par ses échecs le respect de cette volonté que le souverain avait lui-même si difficilement mise en œuvre ; la mort du roi a d’ailleurs fait l’objet de rumeurs peu flatteuses, tendant à en faire la digne conclusion d’une mauvaise vie32. Mais il est clair que les intérêts politiques opposés des divers groupes en présence (collaborateurs du souverain, membres de la famille Trastamare, élites urbaines) expliquent pour l’essentiel les vicissitudes de la succession royale. On pourra objecter avec raison que, malgré la faiblesse de Jean Ier et la contestation posthume de son pouvoir, son testament parvient au bout du compte à s’imposer ; mais on peut aussi souligner que cette victoire à l’arraché n’est obtenue qu’à partir du moment où la majeure partie de la société politique castillane comprend que ce testament peut servir ses intérêts.

Appendice textuel

32Le testament de Jean Ier de Castille
(in Pero López de Ayala, Crónica del rey don Enrique tercero de Castilla y de León, année II (1392), ch. 6, éd. José Luis Martín, Barcelone, Planeta, 1991, p. 761-781).

33(fin ch. 5: “E porque sepades más ciertamente todos los fechos, e qual era el testamento, acordamos de le poner aquí, sin acrescentar nin menguar palabra”.)

34En el nombre de Dios Padre e Fijo e Espíritu Sancto, que son tres personas e un solo Dios verdadero que vive e regna por siempre jamás, e de la Virgen gloriosa sancta María, a la qual nos tenemos por nuestra señora e abogada e ayudadora en todos los nuestros fechos, e a honra e loor de todos los sanctos e sanctas de la corte celestial. Porque segund Dios, e derecho, e de buena razón todo ome es obligado a facer conoscimiento a Dios su señor e su criador, señaladamente por tres beneficios e gracias que dél rescivió e espera aver: el primero es que le crió e fizo nascer e crescer a su figura; el segundo porque le dio sentido e entendimiento e discreción natural para le conoscer e para le amar e temer e para entender el bien e el mal e vivir bien e honestamente en este mundo; lo tercero, porque bien obrando espera aver salvación del ánima para siempre en la gloria. E como quier que todos los omes que son nascidos deben facer estos conoscimientos a Dios su criador, mucho más son tenudos a los facer los reyes por los mayores beneficios que dél resciven, por les dar mayor estado e poderío sobre el pueblo que han de regir e gobernar. E por ende sepan todos quantos esta carta de testamento vieren como nos, don Juan, por la gracia de Dios rey de Castilla, de León, de Portogal, de Toledo, de Galicia, de Sevilla, de Córdoba, de Murcia, de Jaén, del Algarve, de Algecira, e señor de Vizcaya e de Molina, estando en nuestra buena memoria e entendimiento qual Dios por su merced nos quiso dar, conosciéndole todas las muy altas gracias e mercedes e beneficios susodichos que nos fizo, e por poner e dejar en buen estado la nuestra ánima e los nuestros regnos que él nos encomendó, con la su ayuda e con la su piedad; e eso mismo creyendo firmemente en la Sancta Trinidad e en la fe cathólica e temiéndonos de la muerte, que es natural, de la qual ningún ome terrenal non puede escapar, por ende establecemos e ordenamos este nuestro testamento e nuestra postrimera voluntad, por el qual revocamos expresamente de cierta sabiduría todos los otros testamentos e codicilos, e qualesquiera postrimeras voluntades que nos ayamos fecho e otorgado fasta este presente día.

35E primeramente encomendamos nuestra ánima a nuestro señor Dios, que la crió e la ha de salvar, si la su merced fuese. E mandamos que nuestro cuerpo sea enterrado en la iglesia catedral de la cibdad de Toledo, en la capilla do son enterrados los cuerpos del rey nuestro señor e padre e de la reyna nuestra madre, que Dios perdone: e la nuestra sepultura sea delante el altar de la imagen de la Asunción de Sancta María, que está a par del otro altar do son enterrados los cuerpos del rey nuestro padre e de la reyna nuestra madre. Otrosí, por quanto la reyna doña Leonor mi mujer, que Dios perdone, ordenó e mandó en su testamento que fuese enterrado el su cuerpo a do nos ordenásemos nuestra sepultura, e por quanto agora está en depósito en la dicha capilla por nuestro mandado, nos, por complir su voluntad, ordenamos e mandamos que su cuerpo sea enterrado en aquel logar do está en depósito, cerca de aquel logar do esté la nuestra sepultura delante del sobredicho altar de la Asunción de sancta María, en tal manera que la su sepultura esté a la nuestra mano izquierda.

36Otrosí ordenamos por la nuestra ánima siete capellanías perpetuas, e dexamos para todas en la cabeza del pecho de los judíos de la cibdad de Toledo diez mil e quinientos maravedís, en tal manera que haya cada capellanía mil e quinientos maravedís. E ordenamos e mandamos que con estos diez mil e quinientos maravedís recudan al capellán mayor que por tiempo fuere en la dicha capilla, e que este capellán faga cantar las dichas siete capellanías, si oviere frayles de misa que las puedan cantar sin otro embargo de otras capellanías, en el monesterio de Sancta María de la Sisla, e que los dichos frayles sean del dicho monesterio; e que en caso que non oviese siete frayles en el dicho monesterio que sean de misa desembargados de otras capellanías, por lo qual non se podrían decir en dicho monesterio las siete capellanías por nuestra ánima cada día, mandamos que el dicho capellán mayor faga cantar las dichas misas, que por el dicho fallescimiento non se pudieren decir en el dicho monesterio, a otros frayles de qualesquier órdenes de los mendigantes e a otros omes buenos clérigos de misa, aunque non sean frayles, quales el dicho capellán mayor entendiere que más dignamente las pueden decir e rogar a Dios por nuestra ánima, e se digan en la dicha capilla; porque nuestra intención es que en quanto en el dicho monesterio de Sancta María de la Sisla oviere frayles que las puedan decir, que allí se digan e non en otra parte, e haya cada uno de los frayles susodichos mil e quinientos maravedís dados por la mano del dicho capellán mayor.

37Otrosí ordenamos e mandamos que se fagan en la dicha iglesia de Toledo, en la dicha nuestra capilla, doce aniversarios cada año, conviene a saber cada mes un aniversario en tal día como el nuestro cuerpo fuere enterrado, e mandamos para cada un aniversario doscientos maravedís, así que sean por todos dos mil e quatrocientos maravedís: e que estos maravedís sean para el cavildo de la dicha iglesia, e que sean repartidos a aquellos que fueren presentes a cada uno de los dichos aniversarios, segund que lo son en la dicha iglesia los aniversarios del rey nuestro padre e de los otros reyes que ante dél fueron. E mandamos para dos cirios que estén delante nuestra sepultura a las horas que se dixeren en la iglesia e en la dicha capilla, e para aceyte para dos lámparas que y mandamos poner que ardan de día e de noche, e para reparamiento de las vestimentas e ornamentos que nos mandamos a la dicha capilla, quatro mil maravedís. E todos estos dichos maravedís, así de aniversarios como de cera e de aceyte e de reparamiento de los ornamentos, que los hayan en la cabeza del pecho de los dichos judíos de la cibdad de Toledo e que recudan con ellos al dicho capellán mayor para que los él despenda e destribuya en las sobredichas cosas.

38Otrosí mandamos a la dicha capilla todas las vestimentas e ornamentos de paño de oro e de seda e cruces e cálices de oro e de plata e imágenes e relicarios e todas las otras cosas que tenemos para nuestra capilla. Otrosí, demás de las vestimentas e ornamentos de la dicha capilla, mandamos una vestimenta con sus almáticas e su casulla e todos sus aparejos tejidos de paño de peso con nuestras armas de castillos e leones e quinas; e más otra vestimenta con sus almáticas de seda tejida con sus castillos e leones e quinas, con todos sus aparejos; e más seis capas de este paño de seda, con sus cenefas ricas. Otrosí mandamos que se fagan dos paños de oro e otros dos de seda para encima de las sepulturas nuestra e de la reyna doña Leonor, nuestra mujer, e que sean los dos paños, uno de oro e otro de seda, a las armas de la dicha reyna doña Leonor. Otrosí mandamos más quarenta marcos de plata para dos lámparas que ardan de noche e de día delante el altar do ha de ser puesta la nuestra sepultura. Otrosí mandamos para la dicha iglesia de Toledo un relicario que anda en la nuestra cámara, que tiene dos figuras de ángeles, para que se trayga el cuerpo de Dios el día de Corpus Christi. E mandamos más a la dicha iglesia de Toledo doce capas de seda tejidas con nuestras armas de castillos e leones e quinas, con sus cenefas ricas.

39Otrosí, porque se han de cantar las dichas siete capillanías en el monesterio de Sancta María de la Sisla, segund suso dicho es, mandamos al dicho monesterio siete vestimentas de zarzahán con sus alvas e con todos sus aparejos. Otrosí mandámosele más cuatro cálices de plata, que haya en cada uno dos marcos, con una patena. Otrosí mandámosle más cuatro ampollas, en que haya dos marcos.

40Otrosí mandamos que el día de nuestro enterramiento vengan todos los frayles e religiosos e religiosas de toda la cibdad de Toledo e todos los clérigos de las iglesias perroquiales a decir vigilias e misas segund que es acostumbrado de se facer a las sepulturas de los cuerpos de los reyes; e que den a cada convento de los religiosos e de religiosas mil maravedís e a los clérigos de cada iglesia parroquial de la dicha cibdad quinientos maravedís.

41Otrosí mandamos que den el día de nuestro enterramiento de vestir a seiscientos pobres, a los ciento cada ocho varas de paño de color e a los quinientas capas e sayos de sayal. Otrosí mandamos que les den de comer los nueve días que durare el dicho enterramiento. Otrosí mandamos por nuestra ánima que sean sacados de tierra de moros cien captivos omes e mujeres e criaturas.

42Otrosí mandamos al infante don Enrique mi fijo quando Dios le dexare regnar que mande guardar las doce capellanías que nos pusimos en la iglesia mayor de la cibdad de Toledo por el ánima del rey nuestro padre, que Dios perdone, e las trece capellanías que pusimos por el ánima de la reyna nuestra madre, e que les non sea tirado lo que han los capellanes por ellas; e eso mismo guarde e faga guardar todos los maravedís que nos mandamos dar a guardas e sacristanes e todos los otros maravedís que mandamos dar para las dichas capellanías segund que más cumplidamente se contiene en los privilegios que les nos mandamos dar en esta razón.

43Otrosí es la nuestra merced que las capellanías del dicho rey nuestro padre e de la dicha reyna nuestra madre e nuestras hayan un capellán mayor, el qual esté siempre en la iglesia de Toledo: e ordenamos que este capellán mayor sea agora e de aquí adelante Juan Martínez de Melgar, nuestro capellán, que tiene agora la dicha capilla e capellanía, por quanto es ome bien pertenesciente, de quien nuestra consciencia es contenta, que administrará bien las dichas capellanías, en manera que sea a servicio de Dios e provecho de nuestras ánimas. E muriendo el dicho Juan Martínez o seyendo proveído a otra parte o aviendo otro embargo porque non podiese administrar por sí las dichas capellanías, es nuestra voluntad e tenemos por bien que nos en nuestra vida lo podamos proveer; e después de nuestros días, eso mismo después de la muerte del que nos dejamos por proveedor, o aviendo algún embargo porque non lo podiese administrar; según dicho es, ordenamos e mandamos que el infante don Enrique nuestro fijo, después que Dios le dejare regnar, pueda nombrar un capellán mayor, para que le examine el arzobispo de Toledo que agora es, e el que fuere por tiempo: e si el arzobispo le fallare suficiente para la administración de las dichas capellanías, que le envíe al dicho infante mi fijo faciéndole saber cómo es suficiente, para que le dé su carta en que le face capellán mayor e le comete la administración de las dichas capellanías, e que este tal sea capellán mayor en toda su vida, e administre por su persona la capilla e las dichas capellanías. E después de su muerte, mandamos que se guarde esta forma en tiempo del dicho infante mi fijo siendo ya rey; e después de sus días que guarden la forma sobredicha de administración los reyes sus succesores que después de él regnaren, por tal manera que las dichas capellanías sean siempre administradas a servicio de Dios e provecho de nuestras ánimas.

44Otrosí mandamos e ordenamos que de todas estas capellanías quando vacaren aya la presentación después de nuestros días el capellán mayor que fuere por tiempo, en tal manera que quando vacare la capellanía, el dicho capellán mayor presente clérigo de misa al arzobispo de Toledo para que le examine; e si le fallare suficiente el dicho arzobispo, le confirme. E esta presentación sea tenudo de facer el dicho capellán mayor desde el día que la vacación fuere notificada en la iglesia de Toledo fasta treinta días. E si la dicha presentación non ficiese en el dicho tiempo, que el arzobispo de Toledo que fuere por tiempo pueda proveer de la capellanía que así vacare a clérigo de misa idóneo e suficiente, mandándole recudir con todo lo que pertenesciere a la dicha capellanía. E esto se entienda en las capellanías que nos pusimos e pusiéremos por las ánimas del rey nuestro padre e de la reyna nuestra madre e otrosí de la reyna doña Leonor mi mujer.

45Otrosí mandamos que por quanto nos tenemos carga en los logares o señoríos que teníamos quando éramos infante, de los pedidos que les echamos demás de los que nos era debido, que les sea fecha enmienda tal qual nuestros testamentarios vieren que es razonable, e por tal manera que la nuestra conciencia sea bien desembargada, sabiendo primeramente quáles pedidos fueron los que llevamos como non debíamos e quáles ovimos razón de levar.

46Otrosí mandamos que sea fecho pregón por todas las cibdades e villas de los nuestros regnos de Castilla e de León, que si algunos fueren agraviados de algunas sinrazones que les nos hayamos fecho, o algunas debdas que les non debamos, que lo digan e sepan por verdad, porque les sea fecha satisfacción e enmienda, aquélla que los nuestros testamentarios entendieren que cumple, e a ellos fuere bien vista, en manera que nuestra ánima sea de los dichos agravios e debdas bien desembargada.

47Otrosí mandamos que a todos los de nuestra casa que de nos han ración, e non quedaren en la merced del dicho infante mi fijo, quando Dios quiera que regne, que le sean pagados todos los maravedís que les fueren debidos, así de ración como de quitación e que les den más a cada uno quatro meses de su ración.

48Otrosí, para facer guardar e complir todas las cosas sobredichas e las que de yuso serán escriptas, que sean en cargo de nuestra ánima, dejamos por nuestros testamentarios a la reyna, mi mujer, e a la infanta doña Leonor, nuestra hermana, e a don Pedro, arzobispo de Toledo, e a don Juan García Manrique, arzobispo de Santiago, nuestro chanciller mayor, e a Pedro González Mendoza, nuestro mayordomo mayor, e a Diego Gómez Sarmiento, nuestro mariscal e nuestro repostero mayor, e a fray Ferrando, nuestro confesor mayor, a los quales nuestros cabezaleros, o la mayor parte dellos, damos poder complido para que puedan facer e fagan tomar e tomen de nuestro tesoro e de las nuestras rentas todo quanto fuere menester para complir las cosas que en este nuestro testamento se contienen.

49Otrosí rogamos e mandamos a la dicha reyna e infante e a los dichos nuestros testamentarios que vean este nuestro testamento e los testamentos del rey nuestro padre e de la reyna nuestra madre e de la reyna doña Leonor mi mujer, e si algunas cosas quedaron por complir que nos non ayamos complido e tengamos cargo de las complir, que las cumplan según que en ellos e en cada uno de ellos se contiene.

50Otrosí por quanto nos tememos de morir ante que el dicho infante nuestro fijo sea de edad de quince años para que pueda regir el regno, e nos somos tenudos, pues Dios nos fizo rey de estos regnos, de lo ordenar de aquella manera que sea más servicio de Dios e guarda del dicho infante don Enrique mi fijo e a provecho e honra de los dichos regnos, por ende ordenamos e mandamos que el regimiento de los regnos sea en esta manera.

51Primeramente que hayan estos que se siguen el regimiento del regno, conviene a saber don Alfonso, marqués de Villena nuestro condestable, e don Pedro, arzobispo de Toledo, e don Juan, arzobispo de Santiago, e don Gonzalo Núñez de Guzmán, maestre de Calatrava, e don Juan Alfonso, conde de Niebla, e Juan Furtado de Mendoza, nuestro alférez mayor, a los quales todos seis encomendamos e damos cargo del dicho infante mi fijo, que Dios queriendo será rey: e estos todos seis establecemos por sus tutores e regidores de los dichos nuestros regnos así e tan cumplidamente como lo nos mejor podemos e debemos facer de derecho e de buena ordenanza e de buen uso e de buena costumbre de los dichos nuestros regnos de Castilla e de León. E esta dicha tutoría e regimiento damos e encomendamos a todos los sobredichos, fiando de la su bondad e lealtad que siempre guardaron al rey nuestro padre e a nos e porque somos cierto que ellos son tales e tan buenos que regirán e gobernarán los dichos nuestros regnos tan bien e en tal manera que sea a servicio de Dios e guarda e servicio del dicho infante mi fijo e pro e honra de los dichos regnos.

52Otrosí, porque siempre fue e es nuestra voluntad de nos facer todas las cosas en quanto podemos porque los nuestros regnos sean mejor regidos e gobernados, de lo qual la principal cosa que es más necesaria es aver para ello grand consejo e bueno, en el qual consejo es necesario aver de toda gente, especialmente de aquellos a quienes atañe la carga e provecho del bien comunal del regno, por ende ordenamos e mandamos en este nuestro testamento e postrimera voluntad que fuesen en este regimiento, de los señores e perlados e caballeros de los nuestros regnos los que son nombrados; e demás tenemos por bien que estén con ellos algunos cibdadanos de estas cibdades que se siguen: conviene a saber, de la cibdad de Burgos un ome bueno, e de Toledo otro, e de León otro, e de Sevilla otro, e de Córdoba otro, e de Murcia otro, los quales seis cibdadanos mandamos e ordenamos que estén siempre con los dichos tutores e regidores en todos sus consejos, en tal manera que los dichos tutores e regidores non puedan facer nin ordenar cosa alguna del estado del regno sin consejo e voluntad de los dichos cibdadanos. E esto facemos por quanto entendemos que pues las ordenanzas e cosas que se deben facer atañen a todos los pueblos de los dichos nuestros regnos, tenemos que es razón e derecho que los dichos cibdadanos sean en todos los consejos que los dichos tutores deban facer, así como aquéllos a quienes atañe gran parte de ello. E nos mismo, aunque seamos rey, quando tales consejos oviésemos de facer, tenemos que es razón e bien de los facer con consejo de algunos de las cibdades del regno, lo qual mucho más se debe facer por los tutores del rey, aunque ellos sean muy buenos, como lo son: e esto por muchas razones, que serían luengas de escribir. E ordenamos e mandamos que los dichos seis cibdadanos sean escogidos en esta manera, conviene a saber: que el consejo e oficiales e omes buenos de cada una de las dichas cibdades se ayunten en su cavildo e concejo segund que lo han de uso e costumbre e que ellos así ayuntados, juren sobre la Cruz e los santos Evangelios que segund sus consciencias e sus entendimientos, bien e derechamente escogerán e nombrarán entre sí quatro omes buenos, quales ellos entendieren que más cumplen para querer e procurar e guardar el bien e provecho comunal de todo el regno e de cada una de las dichas cibdades donde ellos son vecinos e moradores e de las otras cibdades e villas e logares de todo el regno; e que éstos sean presentados a los dichos seis tutores e regidores e gobernadores de los dichos regnos para que ellos todos seis en uno escojan destos quatro así nombrados de cada una de las dichas cibdades uno o dos para consejeros, segund que a los dichos seis tutores mejor visto les fuere para servicio del dicho infante mi fijo e por bien e honra e provecho comunal de los dichos regnos, en aquella manera que los dichos tutores entendieren que se mejor contentarán las dichas cibdades e todas las otras cibdades e villas e logares de nuestros regnos.

53Otrosí ordenamos e mandamos que a todos estos susodichos tutores o regidores sea tomado pleyto e omenaje e jura sobre los sanctos Evangelios que bien e lealmente, a todo su poder e su buen entender, regirán e gobernarán el dicho regno e guardarán servicio del rey e provecho e honra del regno. E mandamos que este mismo juramento fagan los cibdadanos que fueren escogidos para consejeros en todos los consejos en que ovieren de ser. Otrosí ordenamos que los dichos seis tutores e regidores ayan llenero e complido poder para todo lo que dicho es, e para lo que de yuso es escripto, tan bien e tan complidamente como lo ovieron mejor qualesquier tutores e regidores en semejante caso e segund los buenos usos e buenas costumbres de los nuestros regnos de Castilla e de León; e mandamos que todos los nuestros naturales e súbditos de los nuestros regnos los obedezcan en todo aquello que pertenesce al dicho regimiento so las penas de yuso contenidas.

54Otrosí ordenamos e mandamos que cada uno de los dichos seis tutores e regidores e otrosí cada uno de los cibdadanos ayan cada un año para su mantenimiento estas sumas de dineros que se siguen: conviene a saber, el dicho marqués de Villena cien mil maravedís, el arzobispo de Toledo ochenta mil maravedís, el arzobispo de Santiago ochenta mil maravedís, el maestre de Calatrava setenta mil maravedís, el conde don Juan Alfonso setenta mil maravedís, Juan Furtado de Mendoza, setenta mil maravedís, e cada uno de los dichos cibdadanos quince mil maravedís, que son por todos estos dineros quinientos e sesenta mil maravedís.

55Otrosí ordenamos e mandamos que los dichos tutores e regidores e eso mismo los dichos cibdadanos consejeros fagan facer libros e registros en que se escriban todas las cosas e negocios del regno que pasaren en el tiempo que ellos rigieren porque puedan dar cuenta al dicho infante, que Dios queriendo será rey, si le ploguiere de la tomar desque fuere de edad.

56Otrosí tenemos por bien e mandamos que si alguno o algunos de los seis tutores e regidores principales fallescieron por aventura, que en razón de aver otros en sus lugares se guarde esta forma que se sigue: conviene a saber, en caso que fallezca el marqués, que suceda en su lugar en la tutoría e regimiento don Pedro su fijo. E fallesciendo qualquier de los arzobispos susodichos, que en lugar de aquel que fallesciere sea tutor el arzobispo que es hoy de Sevilla: e fallesciendo este arzobispo, que sea tutor en su lugar don Álvaro, obispo de Cuenca. Otrosí, fallesciendo don Gonzalo Núñez, maestre de Calatrava, sea en su lugar el maestre de Santiago. E fallesciendo el conde don Juan Alfonso, sea en su lugar Diego Gómez Sarmiento, nuestro mariscal e nuestro repostero mayor. E fallesciendo Juan Furtado de Mendoza, nuestro alférez mayor, sea en su lugar Pero González de Mendoza, nuestro mayordomo mayor.

57Otrosí, en caso que fallesciere qualquier destos nombrados, que deben suceder en lugar de los seis tutores e regidores principales, ordenamos e tenemos por bien que los cinco que fincasen puedan escoger e escojan un natural de los nuestros regnos para que sea tutor e regidor en lugar del que así fallesciere. Pero en caso que sea perlado el que fallesciere, mandamos que otro perlado sea escogido para poner en su lugar; e si fallesciere maestre, sea escogido otro maestre, e si fallesciere caballero, sea escogido otro caballero que sea tutor e regidor en lugar del que fallesciere. Pero nuestra entención es, e así lo mandamos expresamente e defendemos que non sea escogido para tutor en lugar del que fallesciere alguno de los nuestros adelantados, porque estén siempre ocupados cerca de la justicia que deben facer e guardar, de la qual justicia cada uno de ellos es tenudo a dar razón e cuenta a los dichos tutores e regidores; e estos tutores e regidores deben ser en tal manera que luego que alguno dellos fallesciere sea otro escogido, segund dicho es, porque siempre sean seis tutores e regidores, los quales sean siempre los dos perlados, e un maestre, e tres caballeros grandes del nuestro regno.

58Otrosí ordenamos e mandamos que quando fallesciere alguno de los dichos seis cibdadanos e consejeros, que el concejo e oficiales e omes buenos de la cibdad donde fuere aquel que así fallesciere provean e deban escoger de entre sí otros quatro omes buenos en la manera susodicha e los presenten a los dichos seis tutores e regidores para que ellos escojan e tomen uno o dos de ellos para consejeros, segund dicho es. E esto ordenamos e mandamos que sea siempre guardado, así en los tutores e regidores como en los dichos cibdadanos consejeros.

59Otrosí mandamos a los sobredichos seis tutores e regidores e a los dichos cibdadanos consejeros e a todos los de nuestros regnos que cumplan e guarden e fagan cumplir e guardar todas las cosas contenidas que nos mandamos e ordenamos en este nuestro testamento; e los unos e los otros non fagan ende al so pena de trayción e de aquellas penas e casos en que caen los que non cumplen e guardan las cosas contenidas en el testamento e postrimera voluntad de su rey e señor natural.

60Otrosí mandamos al infante don Ferrando mi fijo las villas de Medina del Campo e de Olmedo. E por quanto las dichas villas son agora de la reyna mi mujer e non ha de ellas salvo las rentas foreras, por ende le rogamos que quiera tomar por troque las villas de Écija e Arjona con sus aldeas e términos, las quales son buenas villas. E en caso que non valan tanto las rentas de éstas como las que ella ha de Medina e Olmedo, tenemos por bien e es nuestra voluntad que aya la reyna el complimiento de las dichas rentas en las nuestras rentas del almojarifazgo de Sevilla.

61Otrosí mandamos al dicho infante don Ferrando las villas de Valmaseda e Sancta Gadea. E estas quatro villas le mandamos e damos e donamos con todas sus aldeas e términos e con todas las rentas e pechos e derechos de ellas, salvo que les non pueda echar pedido, e con toda la justicia alta e baja e con mero e mixto imperio, salvo las alzadas e corregimiento e suplicamiento de justicia, que finque siempre a la corona del regno. E ésta manda e donación le facemos con tal condición que si el dicho infante fallesciere sin fijos legítimos, que se tornen las dichas villas a la corona del regno. Otrosí mandámosle más al dicho infante trecientos mil maravedís cada año para mantenimiento de su casa, e que los aya para siempre en las salinas de Atienza e de Añana.

62Otrosí, nos fecimos merced del condado de Mayorga, como suele andar, al conde de Barcelos con condición que quando él cobrase las tierras que él ha en Portogal, así del dicho condado de Barcelos como otras qualesquier, que el dicho condado de Mayorga con sus tierras e logares se tornase a la corona de Castilla. Pero si las dichas tierras non cobrase en su vida, que después de sus días torne el dicho condado de Mayorga con todas las otras villas e logares e tierras a la dicha nuestra corona. E nos tenemos por bien e mandamos que en qualquier tiempo, o por qualquier caso que dicho condado torne a la nuestra corona, que haya el dicho infante don Ferrando la dicha villa de Mayorga con todas las otras villas e logares e tierras del dicho condado, segund suele andar, con todos los pechos e derechos e rentas de ellas, salvo que non pueda echar pedido. Otrosí que aya la justicia de las dichas villas del dicho condado, con aquella condición e forma e manera que debe aver las sobredichas villas de Medina e Olmedo e Valmaseda e Sancta Gadea.

63Otrosí, por los yerros muy grandes que nos fizo el conde don Pedro, segund que es público e notorio a todos los nuestros naturales, así de los nuestros regnos de Castilla e de León como de Portogal e de diversas partidas, él mereció, sin otras mayores penas que debía aver, perder todas las tierras, así del condado como de otras qualesquier que él avía en el nuestro señorío, por lo qual nos le tiramos todas las tierras del dicho condado e logares que de nos tenía, e propusimos de les dar al dicho infante don Ferrando, e mandámosle dar nuestras cartas para que los dichos logares e tierras le obedesciesen. Pero por quanto agora entendemos que non es cosa que le cumple aver los dichos logares e tierras que fueron del dicho condado, mandamos a los dichos nuestros testamentarios que los tengan en sí fasta tanto que sepan si podimos nos dar sin cargo de nuestra consciencia ciertos logares que nos dimos del señorío de Vizcaya. E esto facemos por quanto al tiempo que nos tomamos la posesión del señorío e fuimos rescebido por señor, juramos a los sanctos Evangelios de les guardar siempre sus buenos usos e buenas costumbres e sus privilegios, en los quales dicen los vizcaynos que se contiene que non pueda ser dado nin enojado ningund lugar de los del señorío de Vizcaya; por lo qual dubdamos si podimos dar los dichos logares sin cargo de nuestra consciencia. Por ende rogamos e mandamos a los dichos nuestros testamentarios que se informen e certifiquen bien desta cosa; e si fallaren que los non podimos dar segund el juramento que fecimos, tenemos por bien e mandamos que sean tirados a aquellos a quien nos los dimos, pues lo non podimos facer, e les sea fecha enmienda con los dichos logares que fueron del dicho condado. Pero si se fallare que los dichos logares del señorío de Vizcaya nos los podimos dar con buena consciencia e que non embargó a ello el dicho juramento que fecimos, mandamos que los tengan aquellos a quien nos los dimos e los logares e tierras que fueron del dicho condado, que sean tornados a la corona del regno.

64Otrosí dejamos por nuestro legítimo heredero de los nuestros regnos de Castilla e de León, e de todos los otros bienes, así muebles como raíces, por do quier que nos los ayamos, e universalmente de qualesquier logares e tierras que nos pertenezcan o pertenescer puedan en qualquier manera e por qualquier razón, al dicho infante don Enrique mi fijo; e pedimos a Dios por merced que él por su piedad que le fizo nascer, le deje vivir e regnar pacíficamente, en tal manera que él pueda regir e gobernar los dichos regnos en paz e en justicia a su servicio e a ensalzamiento de la nuestra fe católica e a sosiego e pro e honra de los dichos regnos, porque honre el cuerpo e salve el ánima: amén.

65Otrosí mandamos al dicho infante don Enrique mi fijo todo el señorío de Lara e de Vizcaya, e eso mesmo todo el ducado de Molina, con todos los logares que eran nuestros quando éramos infante, que nos agora tenemos; e mandamos que los aya, e sean siempre para él e para los otros infantes que fueren herederos de Castilla; e que sean siempre tierras apartadas para los infantes herederos, así como es en Francia el Delfinazgo e en Aragón el ducado de Girona.

66Otrosí mandamos al dicho infante e le rogamos que desque Dios le dejare regnar, que faga siempre mucha honra a la reyna mi mujer, así como a madre, e le guarde todas las donaciones de las cibdades e villas e logares que le nos fecimos, en tal manera que las ella aya e posea después de nuestros días, segund que más complidamente se contiene en las cartas e previlegios de mercedes que tiene en esta razón. Otrosí rogamos e mandamos al dicho infante nuestro fijo que de las rentas del regno que a él pertenescieron quando Dios le dejare regnar, que faga dar a la dicha reyna cada un año para mantenimiento de su casa trecientos mil maravedís, demás de las rentas que ella ha de aver de sus cibdades e villas e logares, porque ella pueda mejor e más honradamente mantener su estado.

67Otrosí, avemos fecho todo nuestro poder por saber por quantas partes podimos a quién pertenescía el derecho del regno de Portogal: e segund lo que fasta aquí sabemos, non podemos entender, segund Dios e nuestra consciencia, que otro aya derecho en el regno, salvo la reyna mi mujer, e nos. E porque podría ser que algunos informasen al dicho infante don Enrique mi fijo, que él avía derecho en el regno sobredicho, así como nuestro fijo legítimo heredero, por lo qual podría ser que se moviese a tomar voz e título del regno de Portogal, de lo qual podría nascer perjuicio a la reyna mi mujer, tomándole e perturbándole la posesión e título de reyna en que está, por ende nos defendemos firme e expresamente, e mandamos al dicho infante mi fijo que por ninguna información nin inducimiento que le sea fecho que non tome voz nin título de rey de Portogal sin primeramente ser declarado e determinado por sentencia de nuestro señor el papa que el dichoregno pertenesce a él así como a nuestro fijo primogénito e legítimo heredero. E porque esto se pueda más de ligero saber, nos dejamos por escripto firmado de nuestro nombre todo quanto de este fecho avemos podido entender, por do creemos que se puede mostrar e aver grand información para saber por verdad a quál de ellos pertenesce dicho regno. Pero tenemos por bien e mandamos que fasta que esta dubda sea declarada por sentencia e se sepa de cierto a quál dellos petenesce el dicho regno, que se retengan por el dicho infante don Enrique todas las villas e castillos e logares que nos agora tenemos e cobraremos de aquí adelante en el dicho regno de Portogal e del Algarve, porque en caso que se fallase que el dicho regno pertenesce a la dicha reyna, debe ella pagar al dicho infante, ante que la sean entregadas las dichas villas e castillos e logares, todas las costas que nos avemos fecho así por mar como por tierra e las que ficiéremos de aquí adelante por ganar e aver para ella la posesión pacífica del dicho regno, las quales costas claramente se pueden saber e mostrar por los nuestros libros, a fuera de muy grandes trabajos que nos por nuestra persona e los nuestros con nusco avemos sofrido e pérdidas de muy grandes omes e otros muchos nuestros naturales que en el dicho regno por esta razón avemos avido, segund que es público e notorio en todas las Españas e por otras muchas partes del mundo.

68Otrosí mandamos al dicho infante mi fijo que quando Dios quiera que regne, guarde a la infanta doña Leonor nuestra hermana todas las mercedes de las villas que de nos tiene para siempre, segund los privilegios que de nos tiene, e segund las ahora posee: e mandámosle más trecientos mil maravedís en cada año para que se mantenga honradamente segund que cumple a su honra e su estado: e que estos trecientos mil maravedís aya en cada un año en quanto estoviere en el regno de Castilla.

69Otrosí mandamos a los nuestros testamentarios que caten el testamento del rey nuestro padre e sepan el dote que mandó a la dicha infanta nuestra hermana e que vean quanto es el dote que rescibió el rey de Navarra de su casamiento, e que todo lo que mengua de lo que avía de aver la dicha infanta nuestra hermana, que lo aya el rey de Navarra, segund está en la carta de las paces que fueron fechas por el cardenal de Boloña en Sancto Domingo porque lo él debe aver e lo debe tener en el dicho dote, con las condiciones que en la dicha carta se contienen, porque la dicha infanta nuestra hermana aya su cumplimiento del dicho dote. E tenemos por bien que la paga sea fecha al rey de Navarra en esta manera sde todo lo que oviere de aver del dicho dote: primeramente que le sean descontadas las veinte mil doblas del empeñamiento de la guardia que nos él debe: e eso mismo lo que queda por pagar de la rendición de mosén Pier de Cartenay: otrosí las penas en que nos oviere caído por non nos pagar al plazo que estaba obligado por sus cartas. E esto descontado, que le paguen del nuestro tesoro todo lo que le fallesciere fasta complimiento del dicho dote. E todavía tenemos por bien que le sean descontados al rey de Navarra destas veinte mil doblas los florines que nos ordenamos que el infante de Navarra, que es agora rey, oviese destas doblas quando salimos de Portogal agora un año.

70Otrosí mandamos al infante don Enrique mi fijo que guarde todas las mercedes e donaciones quel rey nuestro padre e nos hayamos fecho a qualesquier personas, segund que mejor e más complidamente les fue guardado en tiempo del rey don Enrique nuestro padre.

71Otrosí mandamos al dicho infante don Enrique que por quanto nos somos tenudos a él e al infante don Ferrando de los doscientos mil florines que nos dieron en casamiento con la reyna su madre, que de qualquier tesoro que nos dejáremos o de las rentas de nuestros regnos que se entreguen al infante don Ferrando los cien mil florines de ellos, pues quel infante don Enrique queda heredero de los nuestros regnos; demás que le dejamos heredero de Lara e de Vizcaya, e bien queda entregado en los florines que a él pertenescen.

72Otrosí mandamos al infante don Enrique mi fijo que por quanto agora non tiene oficiales, que tome por oficiales de su casa estos que en este escripto se contienen: primeramente que el marqués de Villena nuestro condestable, que lo sea suyo así como es nuestro; e el arzobispo de Santiago que sea su chanciller mayor así como es nuestro; e Pero González de Mendoza sea su mayordomo mayor así como lo es nuestro; e Juan Furtado de Mendoza sea su alférez mayor; e Juan de Velasco sea su camarero mayor, pero que non aya otros dineros de la cámara si non los que él ha agora en el nuestro tiempo, e que Lope Ferrández de Padilla tenga por él la cámara segund que agora la tiene; e que Diego Gómez Sarmiento sea su alguacil mayor e su mariscal; e la repostería que la aya su fijo mayor; e la copa que la aya Álvaro de Albornoz; e la escudilla Juan Duque; e el cuchillo Juan Martínez de Medrano; e la cámara de los paños Diego López de Stúñiga. Otrosí mandamos que el arzobispo de Toledo e el arzobispo de Sevilla e todos los otros perlados de la nuestra audiencia que lo sean suyos, así como agora lo son nuestros; e que sea oydor el obispo de Cuenca así como lo son los otros perlados, e que aya su quitación así como los otros perlados, e demás que aya la merced e quitación que agora ha de nos, por quanto afán e trabajo ha tomado en la crianza del dicho infante. E mandamos e ordenamos que el dicho Juan Furtado sea siempre en su servicio e crianza, segund que lo ordenamos con los otros oficiales de su casa. Otrosí que sean suyos todos los otros oydores legos, así como agora lo son nuestros. Otrosí que Pero López de Ayala aya el pendón de la banda e que sea su alférez, así como lo es agora nuestro. E que Pero González Carrillo sea su mariscal e su aposentador mayor. E todos los otros oficiales de justicia, así como adelantamientos e notarías e alcaldías de los fijosdalgo e las otras alcaldías de la nuestra corte, que las ayan todos aquellos que las agora tienen de nos, así como las agora tienen. Otrosí ordenamos que sea su chanciller del sello de la poridad el prior de Guadalupe así como lo es agora nuestro. E eso mesmo que sean veedores de las peticiones para con el dicho prior el doctor Pero López e el doctor Pero Sánchez. E aunque el dicho infante non sea de edad para oír peticiones, que éstos usen de sus oficios con los tutores e regidores del regno, fasta quel dicho infante haya edad porque tenga sus registros, e toda aquella ordenanza que nos ordenamos quando establecimos estos oficiales. Otrosí, que todos los nuestros oficiales, así como son camareros e escribanos de cámara e otros escribanos e contadores mayores, que sean así todos suyos e tengan sus oficios segund los tienen agora de nos; salvo que la despensería mayor la aya Santiago García así como la ha agora del infante; e la despensería de los caballeros que la aya Juan de Sant Pedro, así como la ha agora de nos; e la contaduría de la despensa que la aya Ferrand Pérez de Villafranca. Otrosí los nuestros donceles que nos avemos criado, la mitad vivan con él e la otra mitad con el infante don Ferrando; e todos los mantenimientos que han que los ayan de los dichos infantes segund que los tienen de nos.

73Otrosí mandamos quel infante don Ferrando aya por sus oficiales a estos que aquí se dirá: primeramente quel adelantado Pero Suárez de Quiñones sea su mayordomo mayor; e que sea su chanciller mayor el arcediano de Treviño; e que sea su camarero mayor Juan Núñez de Villayzán; e que sea su alférez mayor Carlos, fijo de don Juan Remírez de Arellano; e su copero mayor mosén Manuel de Villanova; e su repostero mayor Lope Ferrández de Vega; e su alguacil mayor Ferrand Carrillo, fijo de Juan Carrillo; e el cuchillo que le aya Álvaro de Villayzán; el escudilla su fijo de Lope Ferández de Vega el mayor; e que sea su contador mayor Diego Gutiérrez; e su repostero mayor Alfonso García de Madrid; e questos oficiales ayan sus raciones e mantenimientos segund que pertenesce a oficiales de casa de infante, e que lo ayan de las rentas que nos dexamos al dicho infante. E que todos estos oficiales que sean siempre vasallos del dicho infante don Enrique mi fijo; pero que non dejen de guardar e servir siempre en paz e en guerra al infante don Ferrando mi fijo.

74Otrosí mandamos al dicho infante don Enrique mi fijo que dé tierra e mantenimiento, la que entendiere que cumple, al infante don Ferrando mi fijo, segund que le a él pertenesce.

75Otrosí le mandamos que siempre guarde las ligas e amistades que nos avemos con el rey de Francia e con el rey de Aragón su abuelo e con el rey de Navarra e con todos los otros reyes e príncipes, guardándole ellos todas las ligas e amistades segund se contienen en las cartas de ligas que entre ellos e nos son.

76Otrosí mandamos al dicho infante que nunca dé la justicia de las villas e logares que la reyna doña Beatriz mi mujer tiene agora nin de las que ella oviere al tiempo de nuestro finamiento, porque nos lo rogó así la reyna nuestra madre en su vida. Otrosí mandamos al dicho infante mi fijo que la tierra de las Asturias que nos tomamos para la corona del regno por los yerros que el conde don Alfonso nos fizo, que nunca la dé a otra persona, salvo que sea siempre de la corona, así como lo nos prometimos a los de la dicha tierra quando para nos la rescebimos.

77Otrosí mandamos que todas las joyas, coronas e guirnaldas e piedras e aljofar que nos dejamos en la nuestra cámara, que sean repartidas en esta manera: que el infante don Enrique haya las coronas, e las espadas de virtud, e todas las otras joyas e cosas de nuestra cámara que sean fechas tres partes, la primera parte para el infante don Enrique, la segunda para el infante don Ferrando, e la tercera que la ayan los nuestros testamentarios para complir las cosas que nos mandamos por nuestra ánima. E por quanto esta tercera parte destas joyas non cumplirá para pagar estas cosas que nos mandamos por nuestra ánima, mandamos tomen los nuestros testamentarios todas las deudas que nos deben, las quales nos dejamos en nuestro inventario escriptas; e más que tomen de las rentas de nuestros regnos quanto entendieren que cumple para pagar todas las dichas mandas de nuestro testamento e cosas que nos fuéremos tenudo.

78Otrosí mandamos a la reyna mi mujer que aya todas las coronas e guirnaldas e aljofar e piedras que nos le dimos e que non le sea demandada cosa alguna, que nos se la confirmamos por este nuestro testamento. Pero tenemos por bien que torne la dicha reyna al infante don Enrique la guirnalda de las esmeraldas e el alhayte de los balaxes, ques muy grueso, el qual alhayte fue de la reyna su madre, e la dicha guirnalda; lo qual nos non dimos a la dicha reyna si non que le encomendamos que lo guardase para el dicho infante fasta que fuese grande, por quanto avía seydo de la reyna su madre.

79Otrosí entre el rey nuestro padre, que Dios perdone, e nos de la una parte, e el rey de Navarra de la otra, fueron fechas confederaciones e ligas con ciertas posturas e condiciones, para las quales tener e guardar dio el dicho rey de Navarra ciertos logares de su regno en arrehenes, las quales nos debíamos tener e tenemos por cierto tiempo, segund que todo más complidamente se contiene en los tratos que se ficieron sobre las dichas ligas e confederaciones, las quales fueron después que nos regnamos rectificadas, loadas e aprobadas entre nos e el dicho rey de Navarra; los quales logares así dados en arrehenes deben de ser tornados al dicho rey desque fuere acabado el dicho tiempo que los nos debemos tener. E nos por esto mandamos que si el dicho rey nos viniere contra los dichos tratos e ligas e los guardare, segund lo prometió, que desque se compliere el tiempo que las dichas arrehenes debemos tener, luego le sean entregadas libremente e le non sean más retenidas por el dicho infante nin otro en su nombre: e nos por este nuestro testamento e postrimera voluntad quitamos el pleyto e omenaje a aquellos que tienen los dichos logares, una, e dos, e tres veces, e les mandamos que los entreguen al dicho tiempo.

80Otrosí, por quanto nos fecimos ciertos votos e los non complimos, mandamos a los nuestros testamentarios que los fagan complir lo mejor e más aína que ellos puedan, segund lo dejamos todo en un escripto firmado de nuestro nombre.

81Otrosí nos fecimos prender al infante don Juan de Portogal, non porque lo él meresciese, más porque non pusiese estorvo a la reyna mi mujer e a nos en la posesión del regno de Portogal, pues quél non avía, nin otro alguno, derecho al dicho regno porque lo debiese facer: lo qual se presumía que ficiera por muchas suspiciones e presunciones violentas que dél avíamos visto e conoscido. E por ende, puesto que esté preso con razón, pues está preso sin culpa, mandamos que le suelten los nuestros testamentarios, salvo si ellos en uno con los dichos tutores e regidores fallaren que non debe ser suelto, sobre lo qual les encargamos sus consciencias e descargamos la nuestra.

82Otrosí en razón de la reyna nuestra suegra e del conde don Alfonso e del infante don Donís e de los fijos del rey don Pedro e del fijo de don Ferrando de Castro, mandamos a los nuestros testamentarios que ellos, en uno con los dichos tutores e regidores, ordenen e fagan de todos ellos aquello que entendieren que se debe facer con razón e con derecho, porque la nuestra ánima sea desembargada: lo qual todo cometemos e dejamos en su alvedrío e buena discreción.

83E éste es nuestro testamento e postrimera voluntad: e queremos e mandamos que si non valiere como nuestro cobdicilo, e si non valiere o pudiere valer como testamento, que vala como nuestro cobdicilo, vala como nuestra postrimera voluntad puede e debe valer de derecho. E porque esto sea cierto e firme e non venga en dubda, firmamos este nuestro testamento e postrimera voluntad de nuestro nombre e mandámosle sellar con nuestro sello de la poridad pendiente. E mandamos e rogamos a don Pedro, fijo del marqués de Villena, nuestro condestable, e a don Juan Cabeza de Vaca, obispo de Coimbra, e a Pero González Mendoza, nuestro mayordomo mayor, e a Diego Gómez Manrique, nuestro adelantado mayor de Castilla, e a Pero López de Ayala, nuestro alférez del pendón de la banda, e a Tel González Palomeque, e a Juan Serrano, prior de Guadalupe, nuestro chanciller mayor del sello de la poridad, que le firmasen de sus nombres e le sellasen con sus sellos pendientes para dar mayor fe en qualquier lugar que parezca: por questa es nuestra postrimera voluntad. Escripto en el nuestro real de Cellorico de la Vera veinte e un días de julio año del nascimiento de nuestro Salvador Jesu-Christo de mil e trecientos e ochenta e cinco años. NOS EL REY. E los que firmaron e sellaron este testamento fueron éstos: Don Pedro. – Joann. Eps. Colimbr. – Pero González. – Diego Gómez. – Pero López. – Tel González. – Joann. Prior Guadalup.

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Notes

1  Le roi Ferdinand Ier a en effet eu cette fille de Leonor Telles, qu’il a « enlevée » à son mari légitime, João Lourenço Da Cunha. De ce fait, certains considèrent Béatrice comme un enfant adultérin.

2 Segunda Partida, Gregorio LÓPEZ (éd.), Salamanque : Andrea de Portonariis, 1555, titre XV, loi III, fol. 48v°-49r°.

3  Pero LÓPEZ DE AYALA, Crónica del rey don Enrique, tercero de Castilla e de León, in :Id., Crónicas, éd., prologue et notes de José-Luis Martín, Barcelone : Planeta, 1991, année 1390, ch. III, p. 703.

4  « E estonce el arzobispo de Toledo acordóse desto que Pero López de Ayala decía, e dixo que era verdad e aun él resciviera aquel testamento; pero que desque el rey don Juan saliera de aquella batalla, él se le tornara » (loc. cit.).

5  Murielle GAUDE-FERRAGU, D’or et de cendres. La mort et les funérailles des princes dans le royaume de France au bas Moyen Âge, Lille : Presses du Septentrion, 2005, p. 94-95.

6  Sur ce projet pour le moins surprenant de Jean Ier et sur la réponse négative que lui opposent les cortès, notre source d’informations est encore Pero LÓPEZ DE AYALA, dans sa chronique du souverain (Crónica del rey don Juan primero, in : Crónicas, éd. citée, année 1390, ch. I et II, p. 650-659).

7  P. LÓPEZ DE AYALA, Crónica del rey don Enrique..., année 1390, ch. IV, p. 705-706.

8 Ibid., p. 706.

9  « E el arzobispo de Toledo, con voluntad de los otros que allí estaban, tomó el testamento e levóle consigo, por quanto estaban en él algunas mandas fechas por el rey don Juan a la iglesia de Toledo, donde él era perlado, diciendo que entendía de las demandar, pues eran obra de piedad e limosna por el alma del rey; e puesto que el testamento non valiese en lo al, que en aquello valdría » (loc. cit. C’est nous qui soulignons).

10  Ibid., année 1391, ch. I, p. 707.

11  Ibid., ch. III, p. 710-711.

12 Loc. cit.

13  « […] él publicaría muy aína el dicho testamento. E enviábales a todos el traslado del testamento, del qual él tenía consigo el original para le mostrar quando tiempo fuese » (Ibid., ch. VI, p. 715).

14 Loc. cit., p. 714-715.

15  « e como él tenía el testamento que el rey don Juan dexara, el qual avían jurado en la villa de Guadalfajara quando el rey don Juan ficiera y cortes » (loc. cit., p. 715).

16 Ibid., ch. IX, p. 719-720.

17 Ibid., ch. XIV, p. 730.

18 Ibid., ch. XIX, p. 738.

19  « Cómo por razón del testamento se ficieron en el regno dos vandos » (ibid., titre du ch. XXIII, p. 742).

20 Ibid., ch. XXVI, p. 747-748.

21 Ibid., ch. XXX, p. 753.

22  Ibid., p. 754-755.

23  Ibid., deuxième année (1392), ch. I, p. 755-756.

24 Ibid., ch. II, p. 757.

25  Il est le fils d’un conseiller royal mort au siège de Lisbonne, Juan Martínez de Rojas, qui fut alcalde de los fijosdalgo, et le frère du futur archevêque de Tolède et animateur du « parti aragonais » en Castille au début du règne de Jean II, Sancho de Rojas.

26  Du moins est-ce ainsi, nous semble-t-il, que l’on peut entendre le texte de López de Ayala : « E esto era porque todos decían que non querían que ninguno de los grandes señores que el rey don Juan non dejara por tutores en el testamento oviese parte en el gobernamiento por ninguna manera. E todo esto fue por quanto sospechaban que dicho Día Sánchez de Rojas fue muerto por mandamiento de algunos de  los grandes que allí eran » (P. LÓPEZ DE AYALA, Crónica del rey don Enrique…, année II, ch. IV, p. 759).

27  Ibid., p. 758-759.

28 Ibid., ch. V, p. 760.

29 Ibid., ch. VIII, p. 786.

30  Ibid., p. 787.

31  Nous corrigeons dans notre traduction la formulation de cette phrase, qui nous semble fautive dans la seule édition de la chronique que nous ayons pu consulter ; merci à César García de Lucas pour ses références à d’autres testaments royaux où apparaît cette même formule.

32  Voir sur ce sujet Jean-Pierre JARDIN, « El rey, la muerte y el diablo. Estudio de un relato de aparición diabólica relacionada con la muerte del rey Juan I de Castilla (1390) », in : Typologie des formes narratives brèves au moyen âge (domaine roman), II, Crisol, nouvelle série, 4 (2000), p. 231-241.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jean-Pierre Jardin, « Un testament royal contesté : la mort et la succession de Jean Ier de Castille (1390) »e-Spania [En ligne], 6 | décembre 2008, mis en ligne le 02 décembre 2008, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/e-spania/15703 ; DOI : https://doi.org/10.4000/e-spania.15703

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